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 ÉVALUATION DE L’INTERVENTION DU CAAVD EN TEMPS DE PANDÉMIE (PHASE 1)
SECTION 3 : L’analyse des principaux constats
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Et ce n’est pas rien, car cela conduit à penser la sécurisation culturelle autrement que comme une série de savoirs ou de savoirs faire à acquérir, ou encore de protocoles qu’il suffirait d’appliquer à la lettre dans les hôpitaux ou les centres de soins. Il s’agit de beaucoup plus, et à commencer par la prise en charge grandissante par les Autochtones eux-mêmes des services qui leur correspondent, de manière à ce qu’ils soient pensés à leur mesure!
Et plus encore, il s’agit, comme nous l’avons évoqué plus haut, de concevoir la sécurisation culturelle comme relevant, pas simplement d’un savoir-faire, mais d’un savoir-être qui s’enracine dans un regard culturel différent sur le monde46. Et qui dans le cas du Centre pourrait ressortir de la bienveillance ou de la prise en compte –et bien plus qu’on ne le fait en milieu allochtone-- des vulnérabilités et fragilités humaines, tout en cherchant à y opposer une approche curative et de guérison beaucoup plus large et holistique.
Car l’approche de la sécurisation culturelle conduit à penser la santé autochtone autrement que sur le seul mode « bio-médical » de la médecine occidentale. Non seulement bien sûr en revalorisant les médecines ou remèdes autochtones traditionnels, mais aussi en pensant le soin à travers sa dimension globale, sociale et communautaire.
Dans la perspective culturelle autochtone l’être humain est un tout, s’il se définit par sa personnalité propre, il se définit aussi et en même temps par ses relations familiales et communautaires, son rapport à la nature, son travail, ses activités culturelles, artistiques, en somme par tout ce qui fait sa vie au jour le jour. Et si l’un de ces domaines ne va pas bien, cela ne manquera pas de provoquer des répercussions partout ailleurs. Car tout se tient, à la manière du cercle autochtone de la vie! Et c’est là ce qui fait la spécificité du travail du CAAVD et qui permet aussi de comprendre l’importance qu’il accorde au travail communautaire : porter attention à cette globalité de la vie humaine.
Si l’on reprend sur cette base, l’exemple de Chez Willie sur lequel nous nous sommes déjà arrêtés, on comprendra mieux ici la portée des questionnements que les intervenants ont pu se faire à ce propos : on a certes assuré --en suivant les règles prescrites par le pouvoir bio-médicale de la santé publique-- la distanciation sociale et les règles sanitaires de base qu’il était demandé d’appliquer. On a certes aussi réussi à disposer d’un local sanitairement tout à fait adéquat. Mais en même temps on a été amenés non seulement à mettre plus ou moins de côté tout ce qui faisait pourtant la dimension communautaire de ce lieu, mais en plus on a dû subir toutes les complications liées aux propres difficultés des itinérants allochtones. Faisant ainsi que le Centre s’est vu obligé de gérer une situation selon des principes qui n’étaient pas vraiment les siens, en « patchant » dans l’urgence une situation plutôt qu’en jetant les bases d’un mouvement de transformation large et global comme sa conception de la sécurisation culturelle l’aurait appelé à faire.
46Voir à ce propos ce commentaire révélateur émis lors d’un groupe de discussion à propos de la sécurisation culturelle et de ses exigences : « Des fois c’est beaucoup plus simple que ce qu’eux peuvent croire, ils veulent former les gens, ils veulent faire des formations au niveau de la culture autochtone et tout ça!, mais c’est vraiment dans le savoir-être qu’il y a beaucoup à faire, puis ça ils l’ont pas! (...) La semaine passée justement dans une intervention quand j’étais Chez Willie, il y a un policier communautaire qui m’a demandé si je voulais pas prendre un monsieur qui était dans un état d’intoxication avancée puis il m’a dit : «vous le prenez ou c’est le banc de neige»! Pour moi, il savait exactement ce qu’il faisait, il avait toutes ces notions là, il avait fait la formation, mais c’est dans son savoir être que ça allait pas (...) ça malheureusement le savoir être, c’est pas quelque chose qui s’acquiert, je pense que c’est quelque chose, tu l’as ou tu l’as pas dans la vie! »


























































































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