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de vie, et on y privilégiait avant la pandémie, une vie de type communautaire qui a ainsi été complètement remise en cause, d’autant plus que les itinérants non autochtones se sont vus, par manque de soutien de la ville, amenés à y trouver refuge pendant la journée; avec tout ce que cela a impliqué de prise en charge de problématiques sociales qui de fait appartenaient à la ville. Ce qui fait que, comme l’indique une des participantes aux groupes de discussion : même si souvent « c’était impossible de respecter les 2 mètres (...) la vie communautaire a complètement changé, la distanciation sociale, ça nous a éloigné, ça crée une peur de l’autre, en étant 2 fois plus de stigmatisés (...) la consommation s’est aussi amplifiée ».
Et peut-être est-ce là l’intéressant : cette capacité qu’ont eu les intervenants sur le terrain de non seulement répondre comme ils ont pu aux demandes les plus urgentes de tous (autochtones comme allochtones), mais aussi d’en voir les limites et de chercher à termes des pistes de solution en s’appuyant sur les acquis et savoirs du Centre, ceux-là mêmes qui insistent sur l’importance de « la sécurisation culturelle » et sur « l’agentivité autochtone » : « Au centre, on ne veut pas être un lieu de dégrisement, on veut être un lieu d’épanouissement culturel (...) On reçoit les gens vraiment dans des états d’intoxication très avancés, chose qu’on n’est pas supposés de faire, mais comme ils n’ont nulle part autre où aller, bien c’est sûr que ça teinte beaucoup l’ambiance de Chez Willie. ». Ou encore : « Ce n’est pas anodin que les centres ont été reconnus comme services essentiels (...) l’aide qui a été apportée n’est pas négligeable (...) mais jusqu’à quel point on fait « avec », ou au contraire on fait « pour »41.
Et dans un sens avec les logements Kijate, c’est un peu la même chose qui s’est passée : le même genre d’intervention d’urgence et le même genre de questionnements quant aux principes et exigences de l’intervention communautaire. Si le Centre a cherché tout de suite à épauler les habitants de Kijaté, en leur livrant des boites alimentaires pour faciliter leur alimentation en temps de confinement42, et si ainsi il a pu développer et même accroître des liens avec d’autres personnes de la communauté dans le besoin, les intervenants n’ont pas mis longtemps à observer que si la livraison de boites était un bon prétexte pour entrer en contact, elle pouvait aussi avoir des côtés plus problématiques, notamment celui –suite à cet apport de nourriture extérieure et donc de baisse des
41 Ces difficultés que Chez Willie a connues avec des intensités variables tout au long de l’année 2020 se sont par ailleurs accrues au moment de l’annonce du couvre-feu (début 2021) : « Là, en ce moment, à cause du couvre-feu, entre 20h et 22h, le soir, le seul et unique endroit à Val-d’Or où les gens vulnérables peuvent aller c’est Chez Willie. Il n’y a pas aucun autre endroit. Fait que, je vous dirais que vers 8h15 le soir, ça commence à rentrer, puis on peut en voir de toutes sortes... Des Blancs, des Autochtones, des gens dans un état... intoxiqués, ma foi, comme ça ne se peut pas (...) ». Il faut dire cependant que grâce aux liens de partenariat établis, il a pu finalement être trouvée une solution, puisqu’au moment où nous réalisions ces entrevues, la ville de Val-d’Or avait ouvert un nouveau local destiné aux itinérants.
42 Il a aussi été organisé un Bingo à travers Facebook, mis en place depuis la grande salle de Kijate et destiné à 24 unités de logements, avec d’abord la présence de 9 personnes, puis de 25. Outre la mise en place --comme nous l’avons déjà évoqué-- d’un système Wifi et l’achat d’ordinateurs, il faut noter aussi la confection et la distribution de trousses culturelles destinées à Kijate, mais aussi à des familles d’accueil qui sont venues en chercher des exemplaires pour faire connaître la culture autochtone aux enfants qu’elles gardaient.
GRF RECHERCHE/ÉVALUATION CENTRE D’AMITIÉ AUTOCHTONE DE VAL-D’OR
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